Interview inspirante d’une diplômée d’Haïti
Dr Sophia Charles, médecin en Haïti, a participé au programme de gestion des systèmes de santé en mai 2019. Elle nous raconte l’impact du programme sur sa carrière professionnelle.
Chère Sophia, pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
Je suis née et j'ai grandi en Haiti, à Port-au-Prince, où, devenue médecin, j'ai voulu travailler avec les groupes vulnérables. Aussi, j’ai travaillé pendant 6 ans au GHESKIO (groupe Haïtien de l'étude du Sarcome de Kaposi) tout de suite après avoir terminé mes études de médecine. L’essentiel de mon travail portait sur la prise en charge des patients infectés par le VIH ce qui incluait également la prise en charge des infections opportunistes avec en tête de liste la tuberculose. Par la suite, j'ai travaillé dans la prévention et la prise charge du VIH dans les populations clés. J'ai également acquis une certaine expérience dans la recherche (principalement sur le vaccin contre chikungunya) en travaillant au GHESKIO. Puis j’ai intégré la fondation Caris ou je travaille dans un programme OEV (enfants infectés et affectés par le VIH) qui fait la prévention de la transmission verticale du VIH, la détection précoce du VIH chez l'enfant et qui assure une prise en charge psycho-sociale de la famille affectée.

Une grande partie de votre famille a quitté Haïti. Avez-vous également des projets d’expatriation pour exercer la médecine dans un autre pays ?
Non, je suis décidée à rester sur place pour améliorer la situation de mon pays. C’est vrai qu’une très grande partie de ma famille vit aux USA et au Canada. Mais mes parents, mes frères et sœurs et moi, sommes convaincus que nous pouvons faire bouger les choses sur place et nous n’avons aucunement l’intention de quitter le pays.
La situation sur place est très difficile. Nous avons énormément de challenges, tant d’un point de vue culturel que d’un point de vue économique. Ma venue au programme de gestion de la santé au GIMI en Israël avait pour objectif de me donner des outils pour entreprendre ces changements.
Est-ce que le programme a répondu à vos attentes ?
Bien plus que cela : J’ai été émerveillée ! Je fais un véritable parallèle entre le peuple Haïtien et le peuple israélien, car les deux ont beaucoup souffert. Mais je suis époustouflée de voir tout ce qu’il est possible de faire lorsqu’on y croit et qu’on se bat. Ici tout le monde ose et s’implique. C’est une véritable leçon et une grande source d’inspiration.
Le programme est extrêmement bien construit : Chaque cours complète l’autre, chaque visite d’études illustre la théorie, ce sont comme les pièces d’un puzzle qui s’encastrent parfaitement pour nous rendre l’espoir que tout est possible et faisable. C’est admirable.
Au-delà de l’inspiration provoquez, pouvez-vous nous dire comment concrètement ce programme vous aidera dans votre quotidien de médecin ?
Je peux vous dire qu’avant ma participation j’avais des envies de faire bouger les choses, mais sans savoir par où commencer, j'étais comme dans un brouillard épais. Maintenant, tout d’abord je sais que je peux y arriver, mais surtout j’ai acquis les bases. Ma vision s’est beaucoup élargie. Je sais où aller piocher les outils dont j’aurais besoin. Et le programme m’a également permis de mûrir une idée de clinique communautaire différente de ce que nous avons déjà, et que je pense être en capacité de mettre en place grâce aux connaissances acquises ici.
Que souhaiteriez-vous transmettre à vos confrères des pays d’Afrique ou d’Haïti ?
Une chose simple : Il ne faut pas hésiter à sortir de sa bulle pour apprendre et s’inspirer. Je sais aujourd’hui que grâce à ma participation au programme je suis capable d’implémenter de beaux projets dans mon pays. Mon plus grand désir serait d’être en contact avec des diplômés GIMI d’Haïti, puisque nous avons été formés à cette école de l’espoir et que nous avons probablement cette même ouverture et cette même inspiration pour faire bouger les choses.
NDLR : depuis la réalisation de cette interview , le réseau GIMI Alumni a été créé et rassemble plus de 1000 diplômés dans le monde https://alumni.galilcol.ac.il/feed, nous espérons que notre chère diplômée Dr Sophia Charles y a retrouvé ses collègues médecins d’Haïti.